Costals

revenir où on a grandi

J'ai 36 ans, et je continue de penser et rêver des lieux où j’ai grandi.

Le lieu qui m’attire le plus, c’est où j’ai vécu de mes 5 à 13 ans. J’y suis retourné plusieurs fois à l’âge adulte. J’ai traversé la cour où je jouais au foot avec les voisins. J’ai été jouer dans le préau de mon école.

Si j’y retourne et que j’en rêve encore, c’est parce que c’est un lieu qui me rassure. Ça me calme et ça me ressource.

Je me demande alors si je rêve de lieux rassurants spécifiquement dans des périodes d’incertitude. Comme un mécanisme naturel qui me dirait : « retourne au camp de base, cet endroit que tu connais si bien, où tu as toujours été en sécurité ».

Prenons l’exemple de cette période où j’écris ces lignes (juin 2024). Je n’ai pas encore de stabilité financière. Depuis trois ans, mon petit revenu ne dépend pratiquement que d’une seule source… qui peut disparaître à tout instant. Il s’agit de mon seul client régulier pour de la musicothérapie. Mon système nerveux le sait bien et me le fait sentir.

Je travaille donc pour créer l’abondance matérielle qui m’apportera cette stabilité, en tant qu’indépendant. Ce projet prend du temps et crée de l’incertitude : vais-je réussir ? quand ?

Retourner sur les lieux où j’ai grandi aujourd’hui me permet de te trouver un semblant de certitude. Et ce sentiment est apaisant. Il me permet de reprendre des forces et continuer dans ma direction.

Est-ce parce que ça me rappelle un temps où je vivais la stabilité fournit par mes parents ? Un temps où j’avais une routine qui contribuait à cette stabilité et créait l’illusion de certitude ? Un temps avec moins de distractions : pas d’internet, pas de smartphone, donc plus d'espace ? Un temps avec plus de jeu. Le temps des récréations ! Un temps particulièrement agréable, libre de toute responsabilité propre à l’adulte.

Peut-être aussi suis-je rassuré de voir que certaines choses n’ont pas changées. Les immeubles du quartier sont identiques, comme la cour avec ses bancs qui étaient les buts quand on jouait au foot, ses arbustes piquants et pas beaux, et les chemins que je parcourais tous les jours. Et même quelques résidents qui y vivent encore.

Les rêves de sécurité

Je rêve aussi de l’appartement où j’ai habité seul pendant 3 ans, quand j’allais sur ma trentaine. Dans ces rêves, je me retrouve dans cet appartement en tant que squatteur. Je me sens rassuré, content d’être là, mais stressé à l’idée de me faire repérer. Je fais ces rêves peut-être parce que je préférerais habiter seul à nouveau ? Ou c’est juste le souvenir de la sécurité matérielle de cette époque.

Et si on habite très loin d’où on a grandi ?

Dans le cas où la distance rendrait difficile un retour aux sources, voici quelques idées :

Et si on a vécu des traumas où on a grandi ?

Pourrait-on retourner en ces lieux avec intention, et guérir un trauma ? Je pense que les blessures émotionnelles restent à jamais. La meilleure chose qu’on puisse atteindre, c’est de les transcender. C’est-à-dire qu’elles ne disparaissent pas – elles peuvent toujours nous faire un peu mal – mais on peut les guérir, les cicatriser. Au point qu’elles cessent de nous freiner dans notre vie en provoquant des blocages et du stress.

Pourrait-on intégrer notre trauma en se rendant sur place ? On laisserait sortir de nous la tristesse, la colère ou toute autre émotion latente. On pourrait alors nouer une connexion sécurisante avec le lieu, en y créant des souvenirs agréables. Ainsi notre système nerveux comprendrait : « tout va bien, il n’y a plus de danger ici ».

Ma dernière visite

Il y a deux semaines, je suis retourné où j’ai grandi.

Comme dans un rêve, je rentre dans la cour, et je vois un jeune homme jouer au foot avec deux enfants, exactement où je jouais avec… lui-même, il y a 23 ans.

Je n’ai pas osé les approcher. Je n’étais pas certain de qui c’était, mais mon intuition était juste. Les enfants étaient ses neveux, les enfants de sa sœur. Et curieusement, ils avaient les mêmes physionomies que les deux frères avec qui j’avais l’habitude de jouer.

J’ai fait un tour au parc de l’école, à une minute à pied de là, le temps de m’ancrer, notamment en mangeant une energy bar. Puis j’y suis retourné, dans la cour. Et là j’ai reconnecté. Il ne se souvenait pas de moi. Forcément, il avait 5 ans quand je suis parti. Il m’a invité à monter chez sa mère. Avant ça, j’ai vu sa sœur, d’un an mon aînée, qui elle m’a reconnu. On a discuté un long moment. Étrange au début, puis rapidement à l’aise, grâce au lien qu’on avait créé à l’époque. Leur mère était si contente de cette surprise !

Quand je retourne où j’ai grandi, c’est à la fois nouveau et à la fois confortable. Comme le chat des voisins de ma mère qui va dormir sur son canapé : avant de s’installer à sa place habituelle, il inspecte les lieux, comme s’il prenait note des éventuels changements, en s’assurant que ce soit toujours un lieu sûr et calme pour pouvoir s’y reposer.

Je me verrais bien y avoir un pied-à-terre, pouvoir y séjourner de temps à autre, comme dans mes rêves, mais en toute légalité.

J’inviterais alors les anciens voisins – dont deux qui y sont encore – pour un match de foot dans la cour.



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